Inégalités de genre

Inégalités de genre

Le genre, approche transversale par essence, est présent dans la plupart des recherches menées à l’INED sur le vieillissement et la vieillesse. Mais cette dimension s’impose aussi comme une problématique de recherche à part entière et plusieurs projets se proposent d’analyser les inégalités de genre à ce stade de la vie en privilégiant perspective comparative et analyse des parcours de vie.

Les hommes et les femmes vieillissent différemment, la retraite cristallisant les inégalités accumulées tout au long de la vie. Les trajectoires de vie et les événements clés qui les jalonnent se déclinent très différemment pour les hommes et les femmes et l’environnement socio-culturel (régimes de protection sociale, conjoncture économique, valeurs dominantes...) est un facteur majeur de disparités. La construction différente selon les pays des rapports sociaux de sexe rendent, en effet, les vieillesses masculine et féminine plus ou moins inégalitaires, les identités assignées, les représentations sociales, les positions économiques constituant autant de dimensions majeures de cette construction. Le genre modèle donc différemment les âges de la vieillesse mais également la perception qu’en ont les intéressés.

Inégalités de genre, âge objectif, âge subjectif

M Bozon

Dans ce projet, deux aspects de l’âge sont envisagés, l’âge objectif ou âge inscrit au calendrier et l’âge subjectif ou rapport personnel que les individus élaborent avec l’âge. Si certaines inégalités de genre en matière d’âge objectif ont déjà été mesurées par les démographes (âge au veuvage, à la grand’ parentalité, à l’apparition des incapacités...), les expériences subjectives de l’âge sont mal connues.

L’objectif central de ce projet est l’élaboration et la validation d’un nouvel indicateur, l’âge subjectif ou l’âge perçu. Les expériences très différenciées de l’âge et du déroulement de la vie qu’ont les hommes et les femmes âgées sont un indicateur puissant de la persistance contemporaine des inégalités de genre et de leur inscription au plus profond des expériences intimes. Les facteurs qui produisent ces inégalités, leur intériorisation et leurs conséquences ont rarement été analysés.

Par delà l’évaluation des décalages éventuels entre les âges objectifs des hommes et des femmes, on s’interrogera sur ce qui conduit les hommes et les femmes à s’identifier ou non à leur âge. Il s’agira, par exemple, de mesurer le degré d’intériorisation et d’acceptation des rôles sociaux attendus pour son âge et son sexe. Une illustration possible sera l’analyse des événements vécus « à contretemps », par exemple, la grand’ parentalité survenue précocement ou tardivement, le veuvage précoce, le maintien en activité tardif.... Par ailleurs, en dépit des observations démographiques, la ménopause reste à bien des égards pensée comme un âge critique et spécifique à la femme. Une histoire longue des représentations de ce « symptôme physiologique » de l’âge, croisant savoirs médicaux et d’autres corpus savants et littéraires apportera un nouvel éclairage sur la perception du vieillissement au féminin et au masculin et son évolution dans le temps.

Plus généralement, on cherchera à montrer sur quelles références (événements de vie personnelle, état de santé, représentations sociales...) les hommes et les femmes âgées s’appuient-ils pour se définir ou non dans leur âge. L’environnement social restant un déterminant fondamental des conduites au fil des âges, on vérifiera si les décalages entre les âges objectifs et subjectifs des hommes et des femmes sont plus importants dans certains milieux sociaux. Une enquête exploratoire sur les âges ressentis auprès de personnes âgées de 50 à 70 ans est d’ores et déjà programmée pour la fin de l’année 2011.

Quelques références :

Bozon M., 2009, Sociologie de la sexualité, Paris, 2ème édition refondue, Armand Colin, 128 p.

Beltzer N., Bozon M., 2006, « La vie sexuelle après une rupture conjugale. Les femmes et la contrainte de l’âge », Population, 4, p. 533-551.

Pailhé A., 2005, " Working conditions: how are older workers protected in France?", Population - E : English edition, 60, p. 93-118

Delbès C., Gaymu J., 2002, « Le choc du veuvage à l’orée de la vieillesse : vécus masculin et féminin », Population, 57 (6), p. 879-909.

Delbès C., Gaymu J., 1997, « L’automne de l’amour : la vie sexuelle après 50 ans », Population, 52 (6), p. 1439-1484.


La qualité de vie des Européens et Européennes âgés : MAGGIE

P Festy, J Gaymu

La qualité de vie est une notion complexe intégrant de nombreux facteurs de diverses natures - subjectifs, objectifs, individuels et contextuels - qui interagissent. A l’heure actuelle, sa définition et sa mesure ne font l’objet d’aucun consensus. De la revue de la littérature se dégage, toutefois, un accord général sur la nécessité d’associer mesures objectives et subjectives. Et ce d’autant plus que, sur ce dernier plan, le fait d’être un homme ou une femme joue souvent un rôle majeur de différenciation, les uns et les autres n’ayant pas nécessairement des attentes du même ordre. Quatre grands champs, jugés essentiels pour la qualité de vie des personnes âgées, seront analysés par les diverses équipes partenaires de ce projet: la mortalité et la santé, la situation familiale et l’intégration sociale, la position socio-économique et l’institutionnalisation. Les travaux conduits à l’Ined se trouvent à la croisée des chemins de ceux des autres équipes : il s’agit d’étudier les contrastes géographiques dans la qualité de vie des hommes et des femmes âgés en tenant compte de toutes les dimensions de ce concept.

La satisfaction de la vie fait partie des indicateurs subjectifs de qualité de vie les plus communément utilisés dans la communauté scientifique. Or, dans la plupart des pays européens, les femmes âgées se déclarent moins souvent satisfaites de leur vie que leurs homologues masculins. Nous avons cherché à vérifier si leurs conditions de vie différentes (en termes d’état de santé, de situations familiale et économique) en étaient la raison. Nos analyses montrent qu’en la matière, il n’existe pas de modèle unique : les facteurs influençant la satisfaction de la vie des hommes et des femmes ne sont pas nécessairement les mêmes dans tous les pays et dans toutes les circonstances. Par exemple, s’ils s’accordent sur l’importance de leur autonomie - tant physique que matérielle - lorsqu’ils vivent en couple, hommes et femmes mettent en avant des facteurs différents en cas d’isolement résidentiel.

Il apparaît aussi que la qualité de la vie des femmes est plus fortement modelée par le contexte socioculturel que celle des hommes. Ainsi, du Nord au Sud de l’Europe, celles qui vivent seules hiérarchisent très différemment leurs sources de bien être. Comme entre hommes et femmes, les contrastes au sein de la population féminine apparaissent, pour l’essentiel, dans l’articulation entre rôles familiaux et situation économique. Ces résultats illustrent combien les rapports sociaux de sexe construits différemment selon les pays tout au long de la vie conduisent hommes et femmes non seulement à vieillir différemment mais aussi à avoir une perception différente du vécu de leur vieillesse.

Cette confrontation entre conditions de vie objectives des personnes âgées et perceptions des intéressés connaîtra plusieurs développements dans l’avenir. Elle sera, d’une part, étendue à l’auto-évaluation du bien être économique, à la perception de la qualité des relations familiales... et, d’autre part, menée au sein des générations de quinquagénaires. Les disparités entre ces hommes et ces femmes, qui seront les personnes âgées de demain, pourraient, en effet, être de toute autre nature et leurs priorités toutes autres.

Quelques références:

Gaymu J., Springer S., 2010, Living conditions and life satisfaction of older Europeans living alone : a gender and cross-country analysis, Ageing and Society, 30, issue 7, 1153-1175
Bonnet, Carole, Buffeteau Sophie, Godefroy Pascal, 2006, les effets des réformes des retraites sur les inégalités de genre en France, Population, vol. 61, n° 1-2, p. 45-75
Bonnet C., Chagny O., Monperrus-Veroni P., 2004, Les systèmes de retraite et les femmes : En France, en Allemagne et en Italie, Travail des femmes et inégalités, Revue de l’OFCE, n° 90, p. 343-378.

Pour en savoir plus :

MAGGIE

Plurinuptialité, conjugalité et rapports de genre


V Hertrich

La question du changement matrimonial en Afrique subsaharienne ne renvoit pas seulement à une problématique de l’individualisation (émancipation des contrôles communautaires) mais aussi à celle de la conjugalité (constitution d’une communauté d’intérêts à l’échelle du couple). C’est en fonction de ce double point de vue que le projet aborde la plurinuptialité et l’organisation des trajectoires matrimoniales des individus. Le relâchement des pressions matrimoniales constaté chez les jeunes a-t-il un équivalent au niveau des âges les plus avancés ? Comment les femmes négocient-elles avec le divorce et les normes du remariage : la migration urbaine, désormais expérimentée par les plus jeunes générations est-elle aussi appropriée par les femmes d’âge plus avancé comme un moyen de pression sur leur conjoint, ou une forme de contournement du remariage ? Les hommes ont-ils eux aussi des stratégies face au divorce ? Comment se positionnent les femmes âgées par rapport à la pratique du remariage ? Y a-t-il également une prise de distance masculine quant à l’injonction de prise en charge des veuves ?

Quelques références :

Hertrich Véronique, 2007, Nuptialité et rapports de genre en Afrique. Tendances de l’entrée en union, 1950-99, in Thérèse LOCOH (sous la direction de), Genre et société en Afrique, INED, Cahiers n°160, p. 281-307.

Hertrich Véronique, 2006, La polygamie : persistance ou recomposition ? Le cas d’une population rurale du Mali, Cahiers québecois de démographie, vol. 35, n°2, p. 39-70.

Hertrich Véronique, 2005, L’évolution des régimes matrimoniaux : primo-nuptialité, divortialité et remariage, Communication au séminaire «La régulation de la fécondité en Afrique. Transformations et différenciations au tournant du XXIe siècle» organisé par le Gripps, 10-14 octobre 2005, http://www.up.univ-mrs.fr/wiupenv/labo/d_lpe/actualites/dec05/refa05/programme2.html

Pour en savoir plus :

Conjugalités, parentalités et genre. Contours et détours